L'homme de ma vie
L’HOMME DE MA VIE
Il dansait très mal – il
n’avait pas un soupçon de rythme ! Aussi, j’avais trouvé quelques bons
cavaliers et une copine pour bavarder. Lui, il ne savait même pas pourquoi il
fréquentait les bals, sans doute pour boire quelques verres avec les copains,
voire courtiser les filles ? Il mettait son costume du dimanche et
d’horribles sandales que je trouvais hideuses…
Il faut croire qu’une
terrible malédiction pesait sur moi (karma, péchés d’une vie antérieure ?
) car je me suis mise à l’aimer à en perdre la raison. Qu’éprouvait-il à
l’époque ? Je pense pas grand-chose. Moi, j’avais oublié mon passé sentimental et les amours que je
pouvais encore avoir. Il faisait l’amour comme un petit animal, sa façon
d’embrasser m’étouffait mais j’éprouvais un besoin impérieux de sa présence, de
son odeur, de son corps près du mien. Est-ce cela l’amour qu’on dit
aveugle ?
Femme « libérée »
à une époque où il n’y en avait pas, j’ai voulu un enfant de lui. Il
m’a laissé tomber. J’ai fait un mariage blanc pour être majeure et garder l’enfant… Triste ? Curieux ? Stupide ? En tout cas suffisant pour dire, avec Cocteau, que l’amour rend idiot.
Il est revenu, l’homme de ma vie, justement quand je
pouvais refaire la mienne. .. J’ai
craqué, pensant pouvoir m’intégrer dans
son milieu. Or, j’avais été la jeune fille qui portait les mêmes robes en
semaine que le dimanche, pire : qui
avait bu un pastis dans le café… « Il
est plus facile de désagréger un atome qu’un préjugé. » disait Albert Einstein… Malgré cela, nous avons vécu ensemble de
longues années, entrecoupées d’un divorce, d’un remariage et d’une séparation.
Cela ne m’a pas empêché de me consacrer à
ma passion de la musique et de l’opéra, de goûter aux très beaux voyages et à
d’autres plaisirs que peut offrir la vie. Les choses se sont gâtées quand l’homme de ma vie a
commencé à vieillir. Dois-je croire une amie qui affirme : « Les
hommes vieillissent mal et deviennent des vieux cons » ? Mon féminisme n’ira pas jusqu’à accuser tous les hommes mais certains,
sûrement. Dont le mien.
Une anecdote : je viens de Paris pour me reposer avec mon
chat dans la villa, notre « domicile conjugal » . Cela dérange sans
doute et je reçois des injures d’autant plus injustifiées que je ne pose aucune
question et ne m’étonne même pas de la présence d’un caniche dans sa Mercedes.
Dans mon journal :
« Tu es un monstre ! M’accabler, cela t’excuse !
« Oui, je me suis bien amusée et je n’ai jamais travaillé.
« Que tes nanas curent un peu la maison délabrée et
encrassée
« Larbin, promeneur de chien, minable ! Ouf, cela soulageait de répondre à ses
grossièretés, ne serait-ce que par écrit… Peu après, je reçois un curieux coup de fil que je note sous le
titre : « Téléphone très
marrant »
« Je veux parler à Monsieur Zugo !
« Il n’est pas là.
« Alors où est-il ? Vous êtes la femme de ménage ?
« Non, pas exactement.
« Une parente ?
« Non plus. Je suis sa femme et il est chez sa maîtresse.
« Ha, ha, ha, ha ! Il
n’a jamais été marié ! ! !
« Je crois que si. Voulez-vous laisser un message ?
Il me sera donné
de vivre encore beaucoup de scènes
drôles, humiliantes ou franchement tragiques. Mais j’ai une consolation de
taille : je n’ai pas été une femme fidèle, j’ai eu des aventures dont
certaines étaient sublimes ! Sans
cela, j’aurais complètement raté ma vie à cause de l’homme de ma vie…